Tribune libre de Maud Velter, Directrice Associée de Lodgis
Diplômée Notaire, Maud Velter s’est spécialisée dans la location meublée et saisonnière. Après une expérience au sein du département immobilier d’une importante étude notariale parisienne, elle rejoint la société Lodgis en 2006 en qualité Directrice Associée et Directrice Juridique. Parallèlement à ses activités au sein de Lodgis, elle participe régulièrement à des conférences sur les problématiques juridiques et fiscales de la location meublée et saisonnière. En outre, Maud Velter a co-écrit avec son frère Fabrice Petit (PDG de Lodgis) le « Guide Pratique de la Location meublée et saisonnière » (Éditions Maxima). www.maudvelter.com
Trois ans se sont écoulés depuis la promulgation de la loi du 24 mars 2014. Le texte, qui ne compte pas moins de 177 articles, développe un véritable arsenal législatif sensé révolutionner le marché de l'immobilier. En effet, l’ambition de la loi ALUR était d’améliorer les rapports entre propriétaires et locataires et de favoriser l’accès de tous à un logement digne et abordable. En location meublée, quelles sont les conséquences de ce « tsunami juridique » ? Comment s’y retrouver dans cette cascade de réglementation ? Et surtout, comment réintroduire de l’équilibre entre les bailleurs et les locataires ?
Un premier constat s’impose : diverses mesures de la loi ALUR ont simplement acté des pratiques bien ancrées dans les faits pour lesquelles la jurisprudence avait déjà statué. C’est le cas notamment du contrat type de location et de la liste des équipements permettant de qualifier un logement de meublé, ou encore de l'état des lieux type. Si le texte ou ses décrets d'application ont permis de combler un vide juridique très relatif, ils n’apportent absolument aucune nouveauté ni clarification… Il s’agit le plus souvent de mesures à minima, sans réelle valeur ajoutée. Dès lors, la question de la contribution effective de la loi ALUR aux règles qui régissaient déjà le marché se pose.
Bien évidemment la loi ne s’est pas contentée de transcrire ce qui se faisait en pratique, elle a également instauré une multitude, pour ne pas dire une véritable kyrielle, de formalités administratives. Notice d’information, extrait du règlement de copropriété, diagnostics techniques supplémentaires… Un nombre conséquent de documents doivent désormais être joints au contrat de location. Si la volonté de mieux informer le locataire est une ambition louable sur le fond, on peut légitimement douter de son efficacité en l'état. En pratique quel locataire prend réellement connaissance de l’ensemble de ces documents particulièrement indigestes ?
Là où certaines informations s’accumulent, d’autres points semblent en revanche délaissés par le texte. En effet, une omission de la loi ALUR rarement relevée est à pointer du doigt : parmi les 177 articles que comporte le texte, aucune précision sur la notion de location de « courte durée » n’est donnée. Ce qui dans les faits créé une confusion plus que regrettable entre la location touristique, à la nuitée ou à la semaine, et la location meublée temporaire, dont la durée varie de quelques mois à un an. Ce dernier mode d’hébergement correspond pourtant à un besoin avéré (mobilité professionnelle, études, divorce, travaux). La loi laisse ainsi place à l'interprétation et créé par conséquent un manque de sécurité juridique pour les propriétaires et les locataires.
Un autre raté de la loi ALUR, particulièrement médiatisé, est l’encadrement des loyers parisiens, et désormais lillois. Dans le cas de la location meublée, il est intéressant de se pencher de plus près sur le mode de calcul du loyer de référence. L’Observatoire des Loyers de l’Agglomération Parisienne (l’OLAP) ne disposant pas de données suffisantes pour établir le loyer médian des appartements meublés, le Préfet a alors fixé un taux de majoration arbitraire de 11%, par rapport aux loyers de référence des logements vides. Conséquence : une majoration forfaitaire appliquée aux meublés, quels que soient leurs emplacements ou leurs caractéristiques. Là encore, la location meublée est reléguée au second plan.
Par ailleurs, les rapports locatifs sont désormais particulièrement déséquilibrés. Les locataires, en plus d’être noyés sous l’information, sont clairement déresponsabilisés. L’exemple du complément de loyer est parlant : le locataire, après avoir signé son contrat de location et en avoir accepté les conditions, peut contester pendant trois mois le montant du complément de loyer. Autre exemple significatif, le bailleur ne peut plus prévoir d'indémnité à la charge du locataire qui règlerait son loyer systématiquement en retard, en revanche si de son côté il tarde à restituer le dépôt de garantie suite à la sortie des lieux, la loi prévoit expressément qu'il devra verser une indémnité au locataire. Ce déséquilibre accru est néfaste non seulement aux propriétaires, mais également aux locataires eux-mêmes ! En effet, devant tant de contraintes, les bailleurs en deviennent bien souvent frileux et choisissent leur locataire plus rigoureusement. Ce qui signifie que dans les zones tendues où la demande est supérieure à l’offre, seuls les meilleurs dossiers – avec les meilleurs garants et la meilleure situation financière – se voient attribuer le bien convoité. De quoi créer de nombreuses frustrations, puisqu’au lieu de faciliter l’accès au logement pour tous, les effets pervers de la loi ALUR n’ont fait que restreindre le marché aux locataires les plus aisés.
Avec désormais trois années de recul, les effets de loi ALUR sont loin d'être satisfaisants. Début 2017, les parlementaires eux-mêmes dressaient un bilan mitigé. Le sentiment général suite à la promulgation de cette loi est une grande déception : alors que les acteurs de l’immobilier attendaient un choc de simplification, ce sont des couches de réglementation supplémentaires qui sont venues s’ajouter aux mesures déjà en place.
Reste à savoir si le prochain gouvernement conservera, modifiera ou abrogera cette loi…
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